Une coa­li­tion d’associations* ras­sem­blée autour du slo­gan “Pro­tect my face” dépose une péti­tion au Par­le­ment bruxel­lois pour deman­der l’interdiction de la recon­nais­sance faciale dans l’espace public à Bruxelles. Les asso­cia­tions craignent que la léga­li­sa­tion et l’usage de cette tech­no­lo­gie n’entravent les droits fon­da­men­taux, par­ti­cu­liè­re­ment des mino­ri­tés. Elles appellent le Par­le­ment bruxel­lois à inter­dire cette technologie.

Iden­ti­fier sur base des carac­té­ris­tiques du visage

Dans cette péti­tion, les asso­cia­tions visent la recon­nais­sance faciale quand elle est uti­li­sée à des fins d’identification. Elle per­met par exemple, d’identifier une per­sonne au milieu d’une foule au moyen de sa bio­mé­trie (mesure de l’écartement des yeux, des arêtes du nez, etc.) consi­gnée dans une base de don­nées. Les enjeux en termes de pro­tec­tion des don­nées per­son­nelles et de risques d’atteinte aux liber­tés indi­vi­duelles que cette tech­no­lo­gie induit sont consi­dé­rables. Les asso­cia­tions qui portent cette péti­tion entendent lan­cer un débat démo­cra­tique autour de cette tech­no­lo­gie qui n’est pas auto­ri­sée en Bel­gique mais qui a pour­tant déjà été uti­li­sée plu­sieurs fois par la police fédé­rale et locale.

Mal­gré l’absence de cadre légal…

Aujourd’hui, il n’existe aucun cadre légal per­met­tant à la police de recou­rir aux tech­no­lo­gies de recon­nais­sance faciale en Bel­gique. Pour­tant, la police fédé­rale a réa­li­sé en 2020 une sep­tan­taine de recherches avec le logi­ciel très contro­ver­sé Clear­view IA dans le cadre de réunions Euro­pol. En 2017 déjà puis en 2019, la recon­nais­sance faciale était aus­si tes­tée par la police fédé­rale à l’aéroport de Zaven­tem. Pour cha­cune de ces deux enquêtes rela­tives à des pro­jets-test, l’organe de contrôle de l’information poli­cière (le COC) exi­ge­ra la fin de ces expé­ri­men­ta­tions car aucune base légale suf­fi­sante n’existe. Par ailleurs, selon une recherche menée par la KULeu­ven en Flandre et en région bruxel­loise, au moins 5 zones de police locale sur 86 répon­dantes dis­po­saient de la recon­nais­sance faciale, l’une d’elle affir­mant même l’utiliser « sou­vent à très sou­vent ». Il est inad­mis­sible que des tests soient réa­li­sés en toute opa­ci­té. L’usage de la recon­nais­sance faciale n’est donc pas légal en Bel­gique mais il per­siste dans le chef de la police et de la ministre de l’Intérieur une volon­té d’utiliser cette technologie.

Liber­tés et droits entravés

L’usage de la recon­nais­sance faciale par la police et les auto­ri­tés entra­ve­ra de nom­breux droits et liber­tés : le droit au res­pect de la vie pri­vée, le droit à l’anonymat, la liber­té de cir­cu­la­tion, d’association, de réunion, de ras­sem­ble­ment et de mani­fes­ta­tion, le droit à ne pas être discriminé·e, etc. Uti­li­ser la recon­nais­sance faciale dans l’espace public revien­drait à contrô­ler auto­ma­ti­que­ment l’identité de chaque per­sonne à chaque coin de rue. Cette tech­no­lo­gie implique d’importants risques : pira­tages de ces don­nées à carac­tère per­son­nel très sen­sibles, erreurs et repro­duc­tion des dis­cri­mi­na­tions sexistes ou racistes induites par les concep­tions sociales domi­nantes et les ins­ti­tu­tions qui les vendent et qui les uti­lisent, menace d’un glis­se­ment vers une sur­veillance de masse.

Les mino­ri­tés sont les plus vul­né­rables face à ce genre de tech­no­lo­gies : l’Union euro­péenne s’apprête à récol­ter les don­nées bio­mé­triques du visage des per­sonnes migrantes, en plus de leurs empreintes digi­tales, et ce dès l’âge de 6 ans. Cali­brés essen­tiel­le­ment sur des visages d’hommes blancs, les logi­ciels de recon­nais­sance faciale com­mettent de nom­breuses erreurs envers les per­sonnes raci­sées. Cette tech­no­lo­gie se trompe éga­le­ment lorsqu’il s’agit d’analyser des visages aux traits plus “fémi­nins” ou encore andro­gynes. Elle caté­go­rise la popu­la­tion entre hommes et femmes, ce qui ne res­pecte pas for­cé­ment les iden­ti­tés de genre.

Le Par­le­ment bruxel­lois peut se positionner

À Bruxelles, comme dans d’autres grandes villes euro­péennes, le réseau de camé­ras de sur­veillance s’étend conti­nuel­le­ment. Alors que la sécu­ri­té est prin­ci­pa­le­ment une com­pé­tence fédé­rale et com­mu­nale, les mis­sions de sécu­ri­té sont exer­cées à l’intervention des organes de la Région de Bruxelles-Capi­tale dans une volon­té poli­tique claire de cen­tra­li­ser la sécu­ri­té et la pré­ven­tion au niveau régio­nal. Il est de sa res­pon­sa­bi­li­té d’appréhender tous les enjeux de droits humains liés à la recon­nais­sance faciale. Ailleurs dans le monde, des villes se sont mobi­li­sées contre l’usage de la recon­nais­sance faciale sur leurs ter­ri­toires. La région bruxel­loise peut elle aus­si faire bouclier.

* Les asso­cia­tions : Col­lec­tif Mémoire colo­niale et Lutte contre les dis­cri­mi­na­tions, CIRé, Genres Plu­riels, Ligue des droits humains, Liga voor men­sen­rech­ten, MRAX, Tac­tic, Technopolice.

Qu’est-ce que c’est la recon­nais­sance faciale ? Pour­quoi vou­lons-nous l’interdire ?

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